Juin 2005.(for English version see below)Après un an d’absence, je suis enfin de retour en Palestine.Il y a un an j’ai travaillé pour une organisation palestinienne et j’ai pu ainsi sillonner la Cisjordanie et récolter de nombreux témoignages et photos. J’ai ensuite sillonné l’Europe et le Canada pour montrer mon travail photographique sur les enfants palestiniens (voir site internet :www.tourbillonphoto.com), avec cependant qu’une idée en tête : retourner travailler sur le terrain pour continuer à travailler sur mon créneau particulier, entre la photographie et les droits de l’homme.Je suis partie de France avec un brin d’angoisse, déjà celui de passer l’aéroport et le contrôle des douanes, enfin aussi l’angoisse de retrouver une situation qui se dégrade sans cesse. Je savais que j’allais retrouver cette frustration de voir qu’inexorablement le Mur et les colonies se développent. L’occupation étrangle les Palestiniens dans la vie de tous les jours, lentement mais surment, une réalité largement ignorée par les médias généralistes. Comme actuellement l’accent est mis sur le désengagement et qu’il n’y a plus d’attentats suicide majeurs, le monde a l’impression que les choses s’améliorent. C’est une illusion médiatique bien loin de la réalité. Les Palestiniens ne sont pas plus en sécurité ; les arrestations arbitraires, les obstacles à la liberté de circulation ; les démolitions de maison ; la confiscation des terres et la répression violente des manifestations pacifiques continuent. En ce moment des manifestations quotidiennes ont lieu à Beilin, près de Ramallah ; où beaucoup de terre ont été confisquées pour le Mur. La semaine derniere les habitants, rejoints par des militants de la paix israéliens et internationaux se sont mobilisés et ont fait des actions symboliques et non-violentes. Résultats : une centaine de blessés, des arrestations, l’armée a utilisé des bombes assourdissantes, des balles de caoutchouc et un nouveau liquide paralysant et douloureux. Pourquoi de telles images ne sont pas montrées non seulement en Israël mais aussi au niveau international ?Alors voila l’idée du blog, partager un peu plus largement que mon cercle habituel mes expériences de terrain.Autant le dire dès le départ, je ne prétends pas être exhaustive ou présenter une vision équilibrée. Je veux témoigner de mon expérience, donc mes écrits et mes photos correspondront donc à ce que je vis et où mes expériences vont me mener.Je reviens à mon voyage, passage sans problème à l’aéroport…je souris après le passage du tourniquet. Direction Ramallah, en passant par Jérusalem. Sur le chemin je remarque de nombreux fanions oranges sur les voitures, signe de ralliement des Israéliens opposés au plan de désengagement de la Bande de Gaza de Sharon. Les mois à venir seront chauds c’est sûr.Pour aller de Jérusalem à Ramallah je saute dans un service, ces mini bus qu’empruntent les Palestiniens. Il faut passer le checkpoint de Qalandiya. Sur la route, le service longe le mur à al ram. Le Mur n’était pas la il y a un an. Il avance inexorablement et ici sépare une rue et un quartier en deux. Une petite fille s’envolant grâce à des ballons y est dessinée. Des bouffées d’oxigène artistique ponctuent ainsi le Mur, je décide aussi d’en prendre le plus possible en photo.Qalandiya checkpoint, je me rapproche de ma destination. La aussi des changements, sur la droite du checkpoint ; ils ont carrément niveler une colline pour y construire un grand terminal. La construction est tordue, comme son idée. Ce terminal va être à l’image de celui de Eretz, pour rentrer à Gaza. La Cisjordanie va être encore plus difficile d’accès. Il s’agit notamment désormais d’empêcher les résidents avec une carte d’identité de Jérusalem (tout le monde ne le sait pas mais les Palestiniens sont identifiés par leur lieu de résidence et par exemple un résident de Cisjordanie doit avoir un permis spécial pour se rendre à Jérusalem) de se rendre en Cisjordanie, ce qui représente une catastrophe pour de nombreux palestiniens qui vivent et travaillent entre Jérusalem et la Cisjordanie. Le terminal doit être en fonction dans quelques semaines et personne ne sait comment il va fonctionner.Je passe le checkpoint, ; il s’est agrandi, développé, il y a désormais des tourniquets dans les deux sens et toujours il y a des gens entassés à l’intérieur, sous une chaleur écrasante pour attendre de passer. La situation est toujours aussi chaotique, nous sommes en été, encore plus de chaleur, de poussière, de colère.Je trace car j’ai hâte d’arriver. Les taxis attendent en masse, ils se disputent pour savoir qui va m’amener. Je jette un coup d’œil sur le Mur à gauche, et la tour militaire, je ne peux m’empêcher de sourire en voyant qu’elle est couverte de peinture. L’art et les couleurs contre les murs et la guerre. Un coin de ciel bleu un peu plus loin y est dessiné, une brèche dans le Mur.Ramallah enfin.Je retrouve vite mes repères ; mes amis et surtout une famille palestinienne de mon amie A. avec qui je passe la plupart de mon temps.Le temps de claquer des doigts et déjà deux semaines de passées.Quelques jours à Bethlehem. Pour venir de Ramallah, il faut mieux faire un grand détour par les montagnes.A Bethlehem aussi en un an, la situation s’est dégradée. J’ai un choc en voyant la progression du Mur ; il entoure presque désormais la ville. J’ai du mal à comprendre pourquoi les chrétiens ne se mobilisent pas plus.La aussi en un an la situation s’est dégradée. La semaine dernière, 400 arbres ont été détruits. Il y a quelques jours, une palestinienne de 70 ans est morte d’un infarctus à un checkpoint, rien d’étonnant avec cette chaleur. L’énorme colonie Gilo s’agrandit encore. L’ancienne rue principale est condamnée, un camp militaire est au milieu de la ville, notamment autour de la tombe de Rachel, qui est devenue un véritable bunker. Des Palestiniens courent, ils ont évité le checkpoint en passant par les champs. Le Mur passe juste à coté de maisons, le haut de certains immeubles ont été réquisitionnés par l’armée israélienne. A l’entrée de Béthlehem, un grand terminal est aussi en construction. Bethlehem aussi est en train de devenir une prison.Un tour a Abu Dis, je vais ainsi essayer de retourner si je peux sur toutes mes traces pour montrer l’évolution sur le terrain. A Abu Dis il y a une grande université, en fait l’université pour de nombreux jeunes de Jérusalem. Le Mur a été construit juste devant l’université. Les étudiants, qui habitent pour la plupart de l’autre côté du Mur, doivent faire des grands détours pour assister aux cours. Il y a un tournoi de foot au terrain de l’université. Des jeunes de hebron, de abu dis, de jerusalem jouent a l’ ombre du Mur. Il est assez tot mais la chaleur est déjà étouffante. Une équipe pose, sourires radieux. Oublier le temps d’une partie l’occupation. Je suis le Mur, rentre dans quelques maisons qui n’en sont qu’a quelques mètres. Les habitants sont désespérés, ont perdu des terres et leurs horizons. Coup de fil d’une amie, à la suite de l’assassinat d’un colon, l’armée israélienne est entrée dans le village d’un de nos amis palestiniens et occupe la maison de sa famille. L’armée est heureusement partie le lendemain.Retour à Ramallah, toujours par service par les montagnes. Après Abu Dis nous sommes bloqués par un « flying checkpoint », un checkpoint temporaire instauré sur la route, là devant l’énorme colonie de Male Adunim à Jérusalem Est. L’embouteillage est énorme et nous avançons très lentement tandis que sur le coté passe en trombe les voitures des israéliens, immatriculées d’une plaque jaune pour les distinguer des voitures palestiniennes qui elles ont des plaques vertes. La chaleur devient vite très étouffante, au point que j’utilise mon carnet de chèque comme éventail. Pour les enfants et personnes agées cela doit être insoutenable voire dangereux. Les autres dans la voiture dorment à moitié, sortent de temps en temps pour fumer une cigarette. La situation est tellement frustrante mais cela fait partie du quotidien des palestiniens. Enfin nous passons le checkpoint, ils ne vérifient pas grand-chose vraiment. Quelques minutes plus tard, un nouveau checkpoint et re-attente. Enfin nous passons, je sors du service complètement trempée de sueur. Bethlehem-Ramallah : 20 minutes en temps normal ; nous avons mis plus de trois heures.Bienvenue en Palestine.ENGLISHSo here I am…finally back to Palestine after one year of travelling around with my photo exhibition on Palestinian children (check my website for information and pictures: http://www.tourbillonphoto.com/) in Europe and Canada.One year ago I spent six months in the West Bank working for a Palestinian Ngo as a legal researcher and photographer, which had allowed me to travel a lot to gather testimonies, case studies and pictures. But during that exciting year I was only thinking about going back to the field to continue my work on a specific field: photography and human rights.I left France with a little bit of anxiety; first I was afraid not be able to get through the customs at the airport, then also I knew that it would be difficult to go back to the reality of the harsh military occupation and to see the degradation of the situation on the field. The frustration to see the development on the Wall and of the settlements inside the Palestinian territories, the military incursions, the arrests, the checkpoints; house demolitions and confiscation of lands, etc. The military occupation asphyxiates Palestinians in their daily life. Palestinians do resist, also in a non-violent way. First of all they do not leave their country even if life gets impossible and they try to get on with their lives, no matter what. Also there are many non-violent actions and demonstrations throughout Palestine but it never gets to the mainstream media. At the moment there are almost daily demonstrations in a small village next to Ramallah called Beilin. The villagers have already lost a lot of lands because of the construction of the Wall. The demonstrations have been brutally repressed although there are peaceful. Last week, more than 100 hundreds protesters were injured and some were arrested. The Israeli army used sound bombs, rubber bullets and a new paralysing liquid that causes serious pains. Why these events are not shown, not only on the Israeli media but also internationally?So here is the idea of a blog…but let me say first that I do not intend to give an exhaustive view on the conflict. My writings and pictures will come from what I experience and wherever they take me.Back to my actual trip…Arrival at the airport, I had a very easy entry and could not help a smile after I passed the gate.Direction: Ramallah, through Jerusalem. On the way I first saw on many cars orange flags, the sign of the Israeli opponents to the disengagement plan of Sharon from the Gaza trip. The following months promise to be quite hot for sure.At Jerusalem; I jumped on a ‘service’, those mini-buses that the Palestinians use to travel to Qalandiya, the main checkpoint of the West Bank that separates the Northern West Bank from Jerusalem. On the road I had a fist shock by seeing the Wall in Al ram, where it was not one year ago. Here the Wall lies in the middle of the street. Qalandiya checkpoint also has changed, it has become bigger. They even wiped out a small hill on the right to build a huge terminal. It will be like the one in Gaza. One of the aim would be to prevent Palestinians with Jerusalem ID (Palestinians are identified on their identity papers by their residence and cannot travel outside their area of residency without a special permit) to access Ramallah. For many of them that will be a catastrophe as many Palestinians live and work between Ramallah and Jerusalem. It should be effective in a few weeks but nobody really knows how it is going to work. The actual checkpoint is also bigger and the Wall is standing on the other side with a new scary military tower covered with paintings that were thrown at it. I cannot help but laughing at the view of Palestinian way to resist by art and sense of humour. Also a little bit further a corner of blue sky drawn on the Wall, a little artistic crack on the Wall. In the checkpoint they are many people waiting for the soldiers to let them pass through. In that heat, it is really such a frustrating experience to wait and sometimes they just arbitrarily decide not to let you through. I passed the checkpoint and on the other side it is still the same madness. Many people; walking; selling things, garbages, dust, frustration all over.I jumped in a taxi for Ramallah.Ramallah at last. I easily found back my way around; and was so happy to join my Palestinian friends, especially the Palestinian family from my friend A. with whom I spent so much time. Ramallah is still lively. Sometimes we can easily forget where you are, and so this is why it is so important to travel outside to really understand the impact of the occupation on people’s lives.Two weeks now that I am already in Palestine. After Ramallah I went for a week to Bethlehem. From Ramallah the easiest way (i.e. to encounter less checkpoints) is also the longest, through Abu Dis and the mountains.In Bethlehem also the situation has worsened since one year. I was also shocked to see the Wall almost surrounding the whole city. Some buildings have been taken by the soldiers. What used to be the main street has been closed and Rachel’s tomb (a religious site important for Jewish, Christians and Muslims) has become a bunker whose access is restricted and forbidden for Muslims. I do not quite understand why Christians do not strongly protest against what is being done to such an important city to them.One week ago 400 trees were destroyed south of Bethlehem near a settlement and a few days ago a 70-year old Palestinian woman died on a checkpoint from a heart attack. The huge colony Gilo that was built on what was once called the Green mountain because of the trees that have been now replaced by houses has spread out. At the main entrance of Bethlehem they are also building a terminal. Bethlehem has also become a prison.I went also back to Abu Dis. I try to go back to the same places to document the changes. In Abu Dis there is an important Palestinian university where many students from Jerusalem go. The Wall has bust been built in front of the university, thus separating the students from it. They have to go around and it takes much longer to access the university.When I went there was a soccer tournament with different teams from Hebron, Abu Dis and Jerusalem. They were playing in the shadow of the Wall. They proudly pose in front of the camera, smile and laugh. Forgetting for one moment the reality of the occupation. I kept following the Wall and enter some houses that stand only a few meters away it. The inhabitants were sad and desperate and lost many lands, on top of their once beautiful view. I received a phone call from a friend, one of our Palestinian friends found out that the Israeli army have entered his village following the killing of a settler. The army occupied the home of his family. Hopefully they had stayed there only for one day.Back to Ramallah, again through the mountains. The landscapes are by the way stunning. After Abu Dis we were first stopped at a “flying checkpoint”, which means a checkpoint that has been temporarily set up on the road. The traffic jam was impressive and we were going forward very slowly while on the left Israeli cars were rapidly overtaking us on the left with their yellow plates that distinguish them from the Palestinians cars with their green plates.The heat soon became suffocating in the car. I try to agitate my checkbook to get some air while other people were falling asleep or getting outside for a cigarette. It should have been unbearable for children and elderly. Finally we manage to get through…. only to find another checkpoint just a few kilometres further. Really it was getting annoying but what can you do…finally we arrived at Qalandiya and I was all wet getting outside the car.Bethlehem-Ramallah should normally take 20 minutes, it took us more than three hours.Welcome to Palestine.
Chroniques d'une photographe,specialiste des droits humains en Palestine et ailleurs, Chronicles of a French photographer, specialist in human rights, in Palestine and elsewhere
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