Chroniques d'une photographe,specialiste des droits humains en Palestine et ailleurs, Chronicles of a French photographer, specialist in human rights, in Palestine and elsewhere
Monday, September 11, 2006
Le grand cirque diplomatique- le recit irrespectueux et non-officiel de la venue de Blair à Ramallah
Le grand cirque diplomatique
(c) Anne Paq/tourbillonphoto.com
Dimanche, 10 Septembre 2006
(ENGLISH TEXT IN POST BELOW)
Cette semaine j’ai appris que Tony Blair allait venir visiter la Muquata pour rencontrer Abu Mazen. D’habitude je ne suis pas trop friande de ce genre d’événement mais la je me suis dit – pourquoi pas ? En tant que photographe je dois aussi m’entraîner à ce genre d’exercice. En fait j’étais plus intéressée par la manifestation prévue contre sa venue. Des Palestiniens ont écrit une lettre affirmant que Blair n’est pas le bienvenue en Palestine. Il ne faut pas être un grand analyste pour voir que Blair ne fait que suivre aveuglement la politique étranger désastreuse au Moyen-Orient. Il a notamment soutenu Israël dans son attaque contre le Liban.
Je me suis rendue à l’entrée de la Muquata ne heure avant l’arrivée prévue de Blair. Un citoyen britannique essayait de négocier avec les soldats pour rentrer, en vain. Quant à moi je me suis contentée d’annoncer fermement que j’étais une photographe française tout en ouvrant mon sac. Je suis passée sans problème ; on ne m’a pas demandé de carte de presse, ni mon passeport. Cela tombe bien puisque je n’ai pas de carte de presse.
A l’intérieur de la Muquata, je constate les démolitions qui datent de 2002. Il y a beaucoup de gros 4/4 avec des grosses lettres TV. Des journalistes, photographes et caméramans attendent déjà devant la porte. Bientôt d’autres arrivent avec leurs grosses cameras, leurs énormes zooms. J’en connais beaucoup de vue que je croise souvent sur le terrain. Il y a aussi des nouvelles têtes, ou des têtes connues de la BBC ou de CNN. Certains journalistes britanniques ont fait spécialement le voyage de Londres pour suivre le Premier Ministre lors de son séjour. Tous se pressent afin d’entrer en premiers et de pouvoir prendre une bonne place pour filmer l’arrive de Blair. Nous sommes vaguement fouillés et un chien fait le tour des sacs et des cameras. Puis nous allons prendre positions derrière des rambardes. Les cameras de télévisions sont au premier rang, tandis que les photographes sont derrières, perches sur des trépieds. J’arrive à me faufiler entre la camera de je pense la BBC et une équipe de Dubaï. Le soleil tape. Je regarde cet armada de cameras et le tapis rouge et je commence à imaginer que je me trouve au festival de cannes- ah si au moins Tony pouvait se transformer en Johnny Deep ! Uhmm… peut-être n’est-il pas si bon de rester ainsi sous le soleil. J’observe l’équipe à côté de moi. Ils sont tous affairés à savoir quand ils vont pouvoir filmer le correspondant. Il faut qu’ils vérifient avec « London ». Un Palestinien qui semble organiser toute la logistique se diriger vers nous et exigent que l’équipe bouge car il a trois cameras d’importants medias qui viennent. L’équipe à côté de moi s’indigne : « mais nous aussi, on doit faire un live pour LONNNNDONNNN » disent-ils en insistant bien sur le London.
Bon alors le Palestinien me regarde, moi et pointe à l’endroit où se trouvent mes pieds : « il me faut la place là ». Il semble que les gros bonnets peuvent se permettre d’arriver tard et d’obtenir une bonne place. Je proteste et exige au moins d’une chaise. Mais bon avec mon petit Canon 20D je ne peux pas vraiment protester en expliquant que je vais faire une intervention Live pour PAAAARIIIIIS. Je me refaufile entre deux cameras.
Tout le monde est prêt. Un Palestinien qui doit être chargé des relations publiques pour le Président vient nous voir et nous demande de bien se comporter en se retenant de hurler. Les soldats se mettent en place pour la haie d’honneur. Mahmoud Abbas sort et passe devant nous pour se mettre aussi en position pour accueillir Blair. Silence Silence. Quelques coups de sirènes et Blair arrive enfin. Des son arrivée, j’entends des centaines clics qui se déclenchent en rafales, comme le bruit atténué de mitraillettes. Les photographes ne pensent pas, ne regardent pas, ils « shootent » comme on dit. Blair et Abbas s’approchent vers nous et s’arrêtent gentiment pour répondre au « la poignée de main ! la poignée de main » scandée par les photographes. Ils disparaissent pour discuter en privée et toit le monde se rue dans la salle où va se tenir la conférence de presse. Je décide de ne pas me placer avec les photographes au fond de la salle mais devant, avec les journalistes. Je veux aussi ecouter. Tous les journalistes paraissent très occupés et importants. J’essaye de paraître de même et commence à écrire sur mon cahier comme si j’ecrivais l’ebauche d’un important article pour le Monde ! Je commence cependant à discuter avec un journaliste de l’Arabie Saoudite sur les questions que nous pourrions poser. « Monsieur Blair, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous ne voulez pas parler avec le gouvernement démocratiquement élu du Hamas ? » ; « Comment pouvez-vous parler encore de la relance de la feuille de route, quant la politique menée par Israel sur le terrain a rendu impossible l’avenement d’un Etat Palestinien viable ? » ; « Monsieur Blair, avez-vous protester devant le Premier Ministre contre la contruction du Mur, qui devrait être finin en 2007, en violation du droit international ? ». Mais le monsieur Relations Publiques nous annonce que seulement quatre questions pourront être posées, deux pour les Palestiniens, deux pour les Britanniques. Que quatre questions ; je n’arrive pas à la croire !
Bientôt Blair et Abbas rentrent, ce qui ne manque pas de redéclencher le mitraillage de clics.
On s’installe et s’en suit le blah blah diplomatique attendu. Abbas annonce qu’il va se rendre à Gaza pour discuter avec Hamas de la formation d’un nouveau gouvernement pour sortir de l’impasse actuelle. Blair le soutien, et assure que si le nouveaun gouvernement répond aux criteres établis par le Quartet, il devrait être soutenu. Blah Blah Blah. Le temps de question arrive. Le premier journaliste britannique de la BBC je crois pose une tres bonne question et demande à Blair s’il pense que Israël peut être tenu responsable pour les difficultés du processsus de paix et des actes illegaux. Blair evidemment se refuse à condamner Israël : « je ne suis pas ici pour blamer tel ou tel parti mais pour apporter mon aide ». langue de bois toute diplomatique. Le type à côté de moi de Channel 4 s’apprête à poser la deuxième question et je n’en crois tout simplement pas mes oreilles. Il a osé poser une question sur la situation politique instable de Blair. Lui aussi est étonné : « vous avez plein d’occasions de me poser ce genre de questions, ceci n’est pas approprié je suis là pour parler de la situation en Palestine ». Quel manque de respect pour les Palestiniens d’avoir posé une question pareille, surtout quand il n’y en avait que quatre !
La conference de presse est déjà finie, Blair et Abbas disparaissent ainsi que tous les photographes et journalistes, à part les journalistes britanniques qui se font offrir un repas avant de reprendre leur navette pour les raccompagner dans leur hotel Kind David à Jerusalem Ouest. Au final je suis sûre qu’ils n’auront rien vu de la Palestine et pas rencontré de Palestinisn hormis les journalistes. Le cirque diplomatique se referme, jusqu’aun prochain numero.
Retour à la maison. Je regarde une nouvelle fois les nouvelles sur Internet. En parlant de route- voila ce qui se passe sur les routes palestiniennes. A Hebron un garçon de 15 ans a été renversé par une jeep militaire qui a continué son chemin. Pres de Qalkiliya, c’est un garçon palestinien de huit ans qui aussi a été renversé par une voiture israélienne. Mais personne n’est à blamer. La feuille de route ne mène nulle part et la diplomatie n’est qu’un cirque.
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