Chroniques d'une photographe,specialiste des droits humains en Palestine et ailleurs, Chronicles of a French photographer, specialist in human rights, in Palestine and elsewhere
Sunday, April 17, 2011
Pour Vic
Carricature par Carlos Latuff
Texte base sur un discours prononce le 15.04.2011 lors d'une ceremonie en l'honneur de Victorio Arrigoni
Nous sommes ici ce soir pour rendre hommage à Victorio Arrigoni, un activiste et journaliste italien qui a été brutalement assassiné hier soir à Gaza prétendument par un groupe salafiste mais dans des circonstances qui restent très obscures. Nous sommes également ici pour condamner cette assassinat et élever notre voix contre ce genre d'actes inacceptables.
Victorio avait travaillé pour la cause palestinienne depuis des années et a été arrêté plusieurs fois pour les Israéliens. Il habitait à Gaza depuis trois ans en tant que membre de l'International Solidarity Movement (ISM). Outre ses activités directes de solidarité auprès des Gazaouis comme accompagner les fermiers dans la zone tampon déclarée unilatéralement zone non accessible par les Israéliens, ou les pêcheurs souvent pris pour cible par les bateaux israéliens. Ses écrits ont été largement publiés et son blog était un des blogs les plus populaires en Italie.
Ce soir, je suis ici en tant qu'activiste internationale qui se sent profondément triste et choquée par la mort d'un frère dans la lutte. En tant qu'activiste, nous avons conscience du danger auquel nous faisons face ici, mais il ne m'était jamais venu à l'esprit que nous pourrions aussi devenir des victimes des Palestiniens. Il est encore difficile à croire et très pénible de penser que Vic a été tué par des mains palestiniennes et j'ai encore des difficultés à faire face à cette possibilité. Espérons que nous allons savoir toute la vérité et que les responsables seront traduits en justice.
Je suis aussi ici en tant que personne qui est allée à Gaza et a rencontré plusieurs fois Victorio. Vic était un personnage incroyable que personne ne pouvait oublier. Il était très grand dans tous les sens du terme- il avait un grand corps, il utilisait de grands mots, il avait grand tatouages ... mais surtout, il avait un grand coeur. Malgré tout ce qu'il avait vu, en particulier lors de l'opération Plomb durci, et les difficultés inhérentes d'être un activiste à Gaza, il avait un sacré sens de l'humour, un appétit très communicatif pour la vie et un amour profond pour Gaza et son peuple. Il était un activiste dévoué et un excellent journaliste. Lors de l'Opération plomb durci, il était un des seuls internationaux présents et a eu un rôle très important pour faire ressortir la vérité. Pendant toute l'operation durant laquelle 1400 Palestiniens ont ete tuees, il travaillait sans relache au peril de sa vie, notamment en accompagnant les ambulances qui elles aussi ont été pris pour cible.
Son travail de terrain était important. Alors que je visitais Jaber, un fermier palestinien qui vit à 300 mètres de la Ligne verte près de la zone tampon, il me raconta comment sa ferme et ses terres agricoles avaient été détruites par l'armée israélienne et comment il avait dû déménager sa famille hors de la zone devenue trop dangereuse. Mais Jaber a continué à dormir dans sa petite maison encore debout à moitié, de peur que l'armée israélienne revienne détruire le peu qu'il lui reste. Jaber m'a raconté comment Vic avait soutenu, était resté avec lui, et avait dormi dans sa maison pendant des mois afin qu'il puisse y rester. J'étais aussi avec Vic lors d'une manifestation à Beit Hanoun contre la zone tampon. Il était toujours été en première ligne et il a à peine bouger quand des balles ont été à pleuvoir à proximité. Il se levait par ses amis palestiniens et quelle que soit la bande de Gaza était sa maison.
Vic était ce genre d'activiste qui ne cherchait pas la gloire mais faisait les choses d'une manière authentique et profonde, et s'élevait toujours contre les injustices. Ses écrits étaient percutants et permettaient de mieux comprendre la réalité vécue par les Gazaouis. Vic écrivait sous le slogan «restons humain». Rester humain, c'est aussi ne pas devenir insensible à ce qui se passe autour de nous, aux mauvaises nouvelles, aux injustice et juste essayer de continuer de continuer à survivre. Rester humain, c'est aussi de préserver notre capacité à être ému et touché par l'injustice, et d'être en mesure de réagir à des nouvelles aussi tragiques soient-elles.
La mort de Vic résonne aussi comme un cri d'alarme que le siège de Gaza et l'occupation en général, est insupportable et produit des monstres.
Il n'y aura pas de fleurs pour Vic. Je ne pense pas qu'il aurait aimé cela. Il aurait préféré voir les gens lever leurs poings dans le ciel et crier: FREE GAZA !!!!!
Nous, militants internationaux, nous ne serons pas découragés par un tel crime, qui ne représente pas le peuple palestinien, mais est le résultat de 60 années d'oppression et d'inaction des gouvernements. La société civile elle a décidé depuis longtemps d'être du coté des opprimés et d'agir, à l'image de Vic. Comme le dit une jeune palestinienne de Gaza : « Il est la voix de la liberté qui ne sera jamais étouffée. »
Nous allons continuer la lutte et nous continuerons à nous rendre à Gaza jusqu'à ce qu'elle soit libre.
Anne Paq
Ci dessous aussi une reaction d'un Gazaoui:
Ziad Medhouk
Nous sommes désolés Vittorio
Nous sommes tous Victor
Sincèrement, je ne trouve pas les mots pour décrire l’état de choc de tous les Palestiniens en général et de ceux de la bande de Gaza en particulier, après l’assassinat, ce matin, par un groupe inconnu, du solidaire, militant et journaliste italien, Vittorio Arrigoni
Vittorio Arrigoni est arrivé à Gaza en 2008, et il a alors décidé d’y rester, afin de témoigner de la barbarie de l’occupation, dans des journaux , pour des agences de presse et des associations internationales, mais il ne savait pas qu’un acte tout aussi barbare , provenant d’hommes bien éloignés de nos traditions, mettrait fin à sa vie.
Il est parti avant de pouvoir accueillir la deuxième flottille de liberté prévue en juin prochain, flottille dont il a été l’un des principaux organisateurs.
Il est mort avant la sortie en France de son livre : « Rester humain à Gaza », sortie prévue le mois prochain.
Le lâche assassinat de ce militant est choquant, révoltant, et injuste, car il vient de ceux qu’il a voulu aider.
Les partis politiques, la société civile, les syndicats et la population condamnent avec fermeté ce lâche assassinat d’un homme de bonne volonté, d’un solidaire, d’un grand ami de Gaza, de la Palestine et de la justice.
Vittorio ou Victor, c’est ainsi que ses amis Gazaouis aimaient l’appeler, avait de bons contacts avec tout le monde à Gaza : associations, partis politiques, étudiants, jeunes, journalistes et simples citoyens, il était partout pour venir en aide à la population civile, pour organiser des manifestations et des rencontres . Il était l’un des rares étrangers présents à Gaza, Gaza qu’il a refusé de quitter lors de la dernière guerre israélienne, fin 2008 début 2009. Il y a participé, malgré sa propre blessure, aux secours et aux soins aux victimes.
Personnellement, j’ai eu l’occasion de le rencontrer deux fois , la première en juin 2010 sur le port où il attendait l’arrivée de la première flottille de la liberté qui a été attaquée par la marine israélienne, et la deuxième fois, au nord de Gaza où il organisait des manifestations pacifiques contre la zone tampon imposée par l’armée israélienne pour interdire aux paysans de cette région d’aller cultiver leur terre. Chaque fois, je le trouvais déterminé à demeurer avec cette population sous blocus, pour lui prouver sa solidarité.
Vittorio restera dans la mémoire des Gazaouis, ils n’oublieront jamais leur grand ami, celui qui essayait, dans cette difficile situation d’enfermement, d’entretenir l’espoir auquel ils sont si fermement attachés et dont il parle dans son article : "Gaza, portes ouvertes sur l’espoir". De même que dans de nombreux autres articles et témoignages.
Nous sommes désolés Vittorio, Nous sommes tous Victor.
Nos pensées vont à sa famille, à ses amis, à qui nous disons :
Gaza, ce n’est pas cela, Gaza, c’est autre chose, Gaza c’est l’accueil, c’est la reconnaissance du travail de tous les solidaires, et le petit groupe qui a assassiné Vittorio ne représente ni Gaza ni la Palestine. [1]
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