Voilà la raison
principale de mon silence sur le blog : je travaille depuis
presque deux ans sur le projet Obliterated Families. Une
documentation des familles de Gaza dont la vie a été bouleversée à
jamais par les attaques israéliennes. Des familles entières onté
été tuées. On les a comptées, répertoriées. Les listes des
noms, avec les âges de chacun-e ont été établies. Mais que
sait-on d'elles ? Qui sont ces disparu-e-s ? Comment les
survivants font face ? Est-ce qu'un jour justice sera faite ?
Il y a deux ans j'étais en europe et
je commençais à réaliser en Juin que les choses allaient empirer.
Lorsque l'offensive a commencé, ma vie a basculé. Je ne pouvais pas
rester en Europe alors que Gaza, une nouvelle fois, était sous les
bombes. Je suis partie sans hésiter. Pas parce que je voulais jouer
les héroïnes, mais parce que je ne pouvais pas faire autrement. Je
ne suis ensuite plus revenue en arrière. Alors que je documentais
les attaques, et que les jours défilaient, amenant leur lots
d'horreurs, je réalisais à quel point nous- journalistes et
photographes- perdions le fil. Les détails personnels
disparaissaient pour laisser place aux photos chocs des blessés, des
corps mutilés. Même les noms devenaient des informations difficiles
à obtenir dans le chaos de la guerre. Comment donner un sens à tout
ça ? Comment retrouver les familles et reconstruire leur
histoire, dans une course contre l'oubli ? Je suis retournée
sur place après le cessez-le-feu. Peut-être aussi une manière à
moi de faire face à mon propre traumatisme.
Il a fallu retrouver les traces avant
qu'elles disparraissent. Des photos, des bribes de vie, un sac
d'école qui ne servira plus, le maquillage qui prend la poussière,
les jardins enfouis sous les décombres, un bureau qui a perdu son
architecte. Les survivants qui décrivent comment c'était, la vie
tous ensemble, avant cet été fatal de 2014 où les bombes aveugles
se sont mises à pleuvoir sur la plus grande prison à ciel ouvert du
monde. Pas d'endroit pour se protéger. Il s'agissait d'attendre la
mort, et de se préparer toujours au pire. Souvent alors dans ces
moments là, les familles préféraient se regrouper. D'autres
faisaient le choix de se séparer, en se disant que peut-être comme
cela une partie de la famille allait survivre.
Le pire c'est que si vous vous en
sortez, vous vivez dans l'angoisse de la prochaine offensive. Ce
n'est qu'une question de temps. Le traumatisme devient un état
permanent. Des générations PTSD.
Alors il faut se battre, pour dire haut
et fort que ces familles méritent justice . Qu'elles ne peuvent pas
juste disparaître ainsi de la surface de la terre, sans que personne
ne se dresse contre ces crimes.
Ces fantômes de Gaza devraient hanter
les consciences, car si Israël a pu mener ces bombardements dont les
principales victimes ont été des victimes, c'est grâce que soutien
de la communauté internationale. Il ne faut pas que cela recommence.
Alors regardons ces familles bien en
face, comprenons qui elles étaient, réalisons à quel point elles
ne méritaient pas ça. Et agissons.
Voila nous avons un mois pour boucler
le web documentaire.
Vous pouvez nous soutenir sur notre
page de financement participatif :